Benoît Piret

(cliquez ici pour voir quelques-unes de ses œuvres)

Le parcours de Benoit Piret commence à Charleroi en 1963 et prend la voie artistique au début des années quatre-vingt en autodidacte, peu convaincu par les essais en cursus scolaires. Son écolage se fera donc sur le tas lorsqu’il rencontre les membres d’un groupe fort remuant dénommé « Puzzle ». Une autre rencontre sera déterminante, celle de Ghislain Olivier, artiste lui aussi, peintre, mais féru d’écritures et orienté éditions. Pendant une dizaine d’années, ils travailleront à quatre mains.

Peu concerné par les voies officielles et les plans sur la comète, Benoit Piret avance dans les marges influence par l’expressionnisme allemand des Penk et autres Baselitz. Parallèlement, il pratique le Mail art sur les traces de Ray Johnson et dans un esprit dadaïste. Le collage est la technique la plus courante et les envois postaux créent un réseau mondial bien avant Internet.

C’est en 1996 qu’il quitte tout pour L.A. avec trois sous en poche et pas de billet retour. Il fut caricaturiste à Long Beach, figurant dans un film et a même été prof au Lycée français fréquenté par les enfants des stars d’Hollywood. Et il peint et il expose en galerie. Au retour, il trouve rapidement un job, puis rejoint une galerie où il travaille encore actuellement.

Dans ses œuvres, il importe sans nostalgie ni tristesse ses souvenirs américains, tout en critiquant, sans humour ni agressivité, une certaine culture made in USA. La mélancolie est très présente, le désir de montrer des personnages témoins d’une époque aussi.

Dans ses dernières collections de « flipcharts », l’artiste travaille sur base de ces feuilles présentes dans tous les lieux de séminaire. Ces feuilles, Benoit Piret les récupère, les entasse, les lit et relit, jusqu’à ce qu’une image s’impose et se superpose aux mots et aux chiffres déjà présents. Ses peintures à l’encre sur papier léger de flipchart, c’est de l’upcycling, du recyclage de haut niveau.

Dans ces peintures à l’encre sur papier, des mots écrits à la main, en rouge, en bleu, bien visibles, apparaissent comme autant de flashes qui percutent l’œil : donation, succession, argent, challenge, planning, confiance, client, séparation, enfant, estime, auto accomplissement… des chiffres s’y mêlent, des dates, des pourcentages, des mots qui doivent frapper les esprits et convaincre avant qu’on ait le temps de réfléchir. La société de consommation ne provient pas seulement du besoin d’acheter, elle découle de stratégies commerciales agressives qui créent l’envie. Avec les images de Benoit Piret qui s’insèrent, s’imbriquent, s’intègrent, des corrélations s’établissent. L’image qui n’est jamais une illustration ou une forme de commentaire impose sa propre réalité et agit à son tour avec force, supplante parfois les écritures. L’entreprise picturale tient davantage du détournement que de la surenchère ou de l’adéquation.

C’est sur fond de culture made in USA que travaille l’artiste en sachant que tout cela, caddies en tête, a allègrement traversé l’Atlantique pour nous atteindre de face. Admiration, nostalgie, mélancolie, constat, parfois un peu d’humour, participent de ces peintures enlevées avec ardeur, souplesse, dextérité.

Une œuvre très autonome et personnelle qui s’inscrit pourtant dans les réalités et préoccupations actuelles.

Réalisées sur toile, au pigment, dans une technique proche des travaux sur papier ses séries récentes de peintures participent du même esprit. Au départ de photos de l’artiste, de mots glanés ou d’images empruntées aux magazines aux accents des années 50 et 60 sont confrontés des rêves d’évasion et des réalités de la vie. La série des bars avec leur faux exotisme traduit le besoin d’échapper à la normalisation d’un quotidien répondant rarement aux aspirations profondes des individus. Des images de fuites temporaires.

Sur fond de montagnes majestueuses où flottent le grand air et un parfum de romantisme enchanteur et nostalgique, l’artiste oppose cette image un peu idyllique de vie rêvée et les stéréotypes de comportements codés auxquels il est difficile d’échapper. Benoit Piret est un peintre des bonheurs à conquérir.

Claude Lorent

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Benoît Piret expose ses flipcharts  chez Alain de Wasseige à la Galerie 100-TITRES à Bruxelles.

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Vox clamantis

Pénétré d’une exigence péremptoire, consumé d’un besoin sans cesse ni concession, l’artiste doit créer, doit donner, doit dire.   Sa création, fût-elle raisonnée, ne procède point d’une réflexion, mais d’une commination.

Cependant, quelque profonde, quelque puissante que soit l’impulsion qui anime l’artiste, quelqu’éminente, quelqu’impérative même que soit son œuvre, le créateur en perd la maîtrise au moment précis qu’elle est accomplie.  L’œuvre achevée devient ipso facto une réalité autonome, extrinsèque, indépendante.  Elle est donnée au monde.

Certes, sur les plans juridique, économique, pragmatique, l’artiste peut veiller à la protection de ses droits, à la diffusion de son œuvre sur un marché, à la poursuite de sa carrière.   Tout cela est légitime, mais ressortit davantage de l’œuvre comme produit que comme propos.

En revanche, en tant précisément que l’œuvre est authentiquement d’art, qu’elle est un dit, l’artiste est absolument démuni.   C’est l’œuvre seule, l’œuvre en soi qui doit parler ; & c’est à autrui seul qu’il appartient de l’accueillir, de l’écouter, de s’en laisser pénétrer – ou non.   L’artiste peut, au mieux, tenter d’accroître la diffusion de son œuvre (triste besogne pour un grand seigneur !) ; mais il ne saurait, même infinitésimalement, en aviver la réception.

L’art en somme, injonction pour l’artiste, est absolue liberté pour autrui.

C’est dès lors une belle leçon sur l’art que nous offre Benoît Piret.

En l’humble vaisseau d’une bouteille, l’artiste scelle son message – & il ne peut ensuite que le confier à l’inconnu, à l’infiniment imprévisible de l’océan.  Que la bouteille parvienne sur une rive lointaine, qu’elle y soit perçue comme prégnante, saisie, scrutée, & presque sanctifiée telle une épiphanie – ou qu’elle sombre durant son périple, qu’abordant à quelques confins rocailleux elle y soit ravalée telle rebut ou rébus – voilà qui échappe absolument à l’artiste.   Et pourtant, inlassablement, à temps & à contretemps, bravant le désespoir par la candeur de sa foi, l’artiste œuvre, encor & encor  –  car son cœur ne saurait faillir au jour.   Et lance un nouveau message, une nouvelle bouteille à la mer.

Par sa silencieuse allégorie, digne de nos enfantines rêveries aux tropiques de l’éveil, voici donc que Piret nous dévoile à la fois l’humilité fondamentale de l’artiste, sa souffrance vrillante, & plus encore sa noblesse irréductible  –  Vox clamantis in oceano…

Miguel Mesquita da Cunha

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FLIPCHARTS !

En fin de séminaires organisés par des entreprises, cet artiste a recueilli les feuilles de « flipchart » au format 100 x 70 avec leur quadrillage imprimé et leurs six trous en haut de page qui ont servi aux exposés et échanges de vues. Tout en conservant textes, chiffres et schémas originaux réalisés à l’aide de marqueurs rouges, verts, bleus ou noirs, il intervient ensuite avec un travail plastique qui tient à la fois de l’esprit du pochoir caractéristique du street art et de la pixellisation propre à la  numérisation des images. En confrontation avec le langage issu du marketing, Benoit Piret superpose, en noir ou en couleurs, de tout autres repères, issus de la nature, des tragédies du monde, des illustrations anciennes ou non ou encore des portraits d’artistes. Ensuite, il effectue, à l’aide d’écoline, une sorte de dripping, qui renforce le lien paradoxal entre support initial et images peintes.

Si l’opposition et les tensions entre art et entreprise n’est pas nouvelle dans la création contemporaine, l’originalité de la démarche de Benoit Piret réside dans le fait de s’emparer d’un pur produit des logiques de commercialisation, de s’inspirer ensuite du propos qui y est évoqué et schématisé pour choisir des groupes d’images venus en opposition à ce propos, détournant celui-ci de ses finalités avant de titrer parfois le nouvel ensemble créé. Outre le fait de nous contraindre à ne pas se tromper de propos, ce titre ajoute une dimension supplémentaire : une signification non explicitement induite par le rapport texte / image qui force le regard vers un tout autre univers que celui qui a servi de matrice.

Ce qui frappe dans ce travail qui s’appuie sur l’antagonisme des références c’est non seulement la contradiction existante entre démarches entrepreneuriales et démarches artistiques mais surtout la paradoxale cohérence graphique qui s’installe entre les unes et les autres. Cohérence si parfaite qu’entre support et intervention artistique un nouvel équilibre s’est créé au point de ne pouvoir ni dissocier le « dessus » du « dessous », ni identifier quand et où l’artiste est intervenu. Après ou avant les mots et les schémas des formateurs et des communicants ? Et pour jeter davantage le trouble et nous obliger à entrer dans une lecture à plusieurs niveaux de ses œuvres, il arrive que Benoit Piret, notamment dans ses travaux les plus récents, ajoute des mots et des fragments de phrases de son cru, réalisés dans des graphies semblables à celles qui lui ont servi d’appui, accroissant encore la tension entre chacun des propos. Parti de deux prétendues évidences : celle des mots « martelés – marketés » et celle des images communiquées, formant une sorte d’oxymore, l’artiste allie ces intensités que tout oppose pour créer une œuvre faite à la fois de force, de subtilité et d’une étrange familiarité.

Non content d’avoir recours à une seule feuille de « flipchart », Benoit Piret réalise aussi des grands formats formés de deux, trois ou même quatre « flipcharts » mis côte à côte ou regroupés en ensembles de deux feuilles par deux, et même trois par quatre, provenant, dans chaque cas, d’une même session de formation / communication. Quelques fois, l’artiste découpe telle ou telle feuille de « flipchart ». Il en extrait des A4 et met en route le même processus que pour les autres formats. Mais, dans ce cas, le sens du texte initial, l’apport des chiffres et des schémas se voit réduit à l’un ou l’autre mot ou perd de son importance au profit de sa dimension graphique.

ALAIN

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http://www.benoitpiret.com/