Michel Suppes

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Regards anonymes ou portraits familiers, taillés dans le bois – le hêtre – polychromes, mis en scène, inspirés des visages croisés… Les sources sont multiples comme les êtres !

Michel Suppes est un artiste belge. Il est scénographe, décorateur, ensemblier, assistant et, voici ce qui nous intéresse tout particulièrement, il est sculpteur sur bois. Et dans sa pratique de la sculpture, il va du poème-objet à la mise en scène. C’est un esprit inventif, poétique, ingénieux, drôle, profond. Un artiste qui a mis le doigt sur l’âme du bois et qui lui donne la parole. Luthier de l’âme humaine. S’il sait faire chanter le bois, il est capable aussi de le faire grincer. Avec talent, doigté, tact. Car tout ici s’opère et advient dans la distinction, avec élégance. Dans une espèce d’apparence de simplicité raffinée qui donne quelquefois le vertige.

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Article de Denys-Louis Colaux

L’œuvre, – un travail simple et virtuose du bois -, s’appuie sur une passionnante qualité de regard, sur un regard inspiré, lucide et noble. Oui, il y a une noblesse dans cet art. Le bois et le sculpteur sont nobles. A l’écart des bassesses. Les choses sont placées à une certaine hauteur. Même l’humour, la dérision sont ici pratiqués avec maintien. Je ne parle pas de quelque chose de guindé. Non, je pense à une belle nature, une tournure d’esprit au-dessus de la mêlée. Au travail de sculpture s’ajoute une passionnante création autour de la mise en espace, en perspective, en situation. Son travail de sculpture s’origine dans une découverte de l’art populaire brésilien, un art qu’il s’est approprié et dont il a inventé une version personnelle. Suppes regarde et collecte les regards, les âmes. Il regarde les êtres avec une bienveillance clairvoyante. C’est un citoyen du monde. Il y a chez lui une humanité ouverte, un altruisme, le désir peut-être de créer, dans la sobriété profuse de son art, une sorte de petite comédie humaine, une ellipse en bois de la comédie humaine.

Je suis épaté par la loquacité de ses réalisations, leur verve, leur humble et troublante profondeur. Dans ces petits bustes de bois, ces petits arbres humains se cachent la forêt de notre condition. De cette forêt se lève un regard profond, charmant, sage, poétique, acidulé sur le temps, la famille, le conflit, la diversité, la solitude, les arts. C’est une fenêtre sur le monde et sur l’être, sa ramure, ses lunures, sa canopée. C’est une interprétation du monde et de l’être. C’est une curieuse et captivante incursion dans les cultures du monde. C’est un étonnant et formidable miroir de bois. Un manège philosophique sur lequel tournent les petits humains de bois. Il y a quelque chose – c’est une manie que j’ai de rapporter à l’écrit – de Charles Cros, de Jarry, de Prévert, de Michaux. J’aime ici la qualité du rire, de l’émotion, du voyage intérieur (car, dans toutes les acceptions du terme, ceci nous regarde intensément, profondément), d’une sorte de jubilation paisible de la création, un jubilation tout à fait perceptible et irrésistiblement contagieuse.

Suppes est un amateur d’art (et de littérature) à l’esprit d’analyse très pointu et qui, dans un exaltante mise en abîme, témoigne d’une façon créative et originale de sa passion picturale. Sa galerie d’artistes peintres est une pure merveille d’ingéniosité, d’intelligence et de pertinence. Un instant de bonheur. C’est léger et profond, les deux à la fois. Une partie du prodige tient dans cette rare aptitude à donner vie, à l’écart des pièges du sérieux mais sans évincer la voie de la gravité, à cette « insoutenable légèreté de l’être ».