Charles MARKO

(Visionnez ICI quelques-unes de ses œuvres)

Alors donc, les formations ? À chaque fois la même première question au fond, sans doute que ça doit être important comme question, ça doit rassurer, quelqu’un avec une belle formation, quelqu’un qui peut t’énumérer toutes les académies qu’il a fréquenté, pour ma part, je n’en ai connue qu’une, et encore, ce n’était pas une Académie mais l’Ecole des Beaux-Arts, oui oui, celle de Wavre, j’en garde un magnifique souvenir, son et image à la fois, la porte que je referme derrière moi, une histoire de poêle à bois au fusain, un poêle que j’avais dessiné de guingois et dont la vue choquait l’œil du Maître de l’époque, je lui avais parlé des paysages de Soutine pourtant, mais il ne l’aimait pas, Soutine, mon poêle non plus, je les aimais bien, moi, alors je suis parti, son et image, la porte qui claque derrière moi, je serai autodidacte nomdidjiu !

Quoi qu’en réalité, on ne l’est jamais, autodidacte, parce qu’on a tous des parents, puis des grands-parents aussi, et des cousins, des oncles et tout le tintouin, les miens s’appelaient Gauguin, Cézanne, Picasso, Kirschner, Pollock, et puis le Hollande-là, bon sang, comment il s’appelait encore, De Kooning, c’est ça, et l’ami de toujours, Arshille Gorki, avec une famille pareille, il te suffit d’écouter pour apprendre, surtout qu’au fond, il y a toujours une Histoire de l’Art avant soi, on ne se fait jamais tout seul, c’est de la poudre aux yeux ceux qui disent ça, moi, j’avais cette famille qui me poussait dans le dos, et ça ne me dérangeait vraiment pas de faire la plonge dans les restos, tous les soirs, j’avais mes journées à moi derrière le chevalet, ou la toile flanquée à terre, comme pour qu’elle en sorte, de la terre.

J’ai vécu, je n’ai pas vécu de mon art, c’est selon, au fond, car après tout, on ne vit jamais de son art, c’est l’inverse qui se passe, c’est votre art qui se nourrit de vous, et copieusement encore ! Il est bien plus intéressant que le monde en tout cas, votre art, plus souriant que le plus beau des sourires, plus jouissif aussi, il y a une forme d’amour physique entre l’art et soi qui se fiche bien d’un compte épargne-pension, on ne vieillit jamais entre ces bras-là, comment vous dire, c’est chaque jour un nouvel horizon sous lequel se coucher, un nouveau visage qu’on a sûrement rencontré sans le savoir, aucune tricherie là-dedans, il y a les supports, toiles, bois, feuilles, il y a les outils, brosses, gouges, pinceaux, il y a la main et puis c’est tout, le reste, tout le reste n’est qu’humeur, que temps-vivant où seul l’oubli de soi compte, elle est à ce prix, la beauté de l’art, faut s’oublier, et marcher nu vers les couleurs, se nourrir de pigments, bon sang, faire des taches au sol, sur le plafond, sur votre pantalon, marcher, de réalisation en réalisation, vous exposez, qu’on me demande aussi ? Sachez que ce n’est jamais celui qui peint qui expose, celui-là est le porte-parole des tubes tordus, des encres étalées, des bois gravés, des zincs lacérés, celui qui crée ne quitte jamais son atelier, même quand il en est loin, parce qu’il n’a rien à dire de plus que ce qu’il montre quand son avatar social expose.

Vous exposez ? Oui, aujourd’hui au Neuf à Marilles, hier à Bruxelles, à Liège aussi, à Namur, à Wavre, à Lille, à Paris, Genève, Strasbourg avant Montréal, mais hier, cela ne veut plus rien dire à la longue, parce qu’à la longue, ce machin-là, le temps, il s’éternise dans l’atelier. N’allez pas croire que l’art peut sauver le monde surtout, tout juste peut-il en sauver une parcelle de sa mémoire, et c’est déjà bien comme ça, c’est déjà un sacré boulot en tout cas.

Charles MARKO, 2022

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