Sans doute est-ce pour prolonger la pensée de Tocqueville – « Si le passé n’éclaire l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres » que Moune façonne les matériaux bruts, nobles, fragiles, comme Shakespeare voulait faire « Face au temps ».
A l’instar de Claudel, Ensor ou Wouters, elle aime les mots pétrir, ciseler, malaxer, modeler, remuer pour évoquer le fer, l’argile, le chêne, l’huile, l’acier, le papier.
Cette dualité avec la matière, ce combat avec les sens et la sensualité, éveillent notre regard sur ce que nous sommes,
sur l’objet de notre foi quelle qu’elle soit. De ses toiles abstraites à ses sculptures aériennes, plastiques et cohérentes, Moune bâtit une œuvre. Fildefériste de l’instant, l’artiste interpelle le spectateur, bouscule l’être et non le néant.
Son travail nous parle de nous – d’elle ? -Son esthétique, conjugaison subtile entre l’universel et l’intime, est le miroir qui nous renvoie à ce que l’on est, à ce que l’on rêverait d’être, parfois aussi à ce que nous ne voudrions surtout pas avoir été.
De sa confrontation naît une forme de rédemption, une réconciliation avec ce JE que nous ignorons et que nous devons néanmoins accepter. De sa conception où l’art se veut puissant, où la matière ne peut se donner, Moune laisse entrevoir un chemin vers la fluidité, le respect, la cohérence. Et de rejoindre Platon : « Seul trouvera le bonheur celui qui, tourné vers l’océan de la beauté et contemplant ses multiples aspects, aura acquis l’esprit fortifié et grandi ».
Didier Debroux.